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Prise illégale d’intérêt

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Pour éviter que les élus n’utilisent leur position au sein d’un organe d’une collectivité publique pour en tirer un avantage, le législateur sanctionne pénalement les "prises illégales d’intéret"
Nombre d’élus locaux ont commencé par être des acteurs du monde associatif et nombre d’adjoints au maire ont une délégation de fonctions dans le domaine où ils exercent des responsabilités associatives. Mais pour ne pas risquer le conflit d’intérêt, et les sanctions pénales qui s’y rattachent, des précautions strictes s’imposent.

Une question de comptabilité publique : la gestion de fait de fonds publics

La gestion de fait de fonds publics se caractérise par la manipulation, par une personne non habilitée, de deniers publics. Il s’agit là d’une des règles fondamentales en matière de comptabilité publique : la séparation des fonctions d’ordonnateur (qui consistent à engager les dépenses, les élus) et de comptable (le trésor public).
La gestion de fait peut donc survenir indépendamment de toute malversation ou intention frauduleuse. Par exemple lorsqu’une collectivité publique verse une subvention à une structure dépourvue de personnalité juridique ; lorsqu’une subvention versée à une association s’avère fictive (parce que la collectivité publique en a, dans les faits, conservé la maîtrise) ; lorsqu’une association encaisse des recettes publiques sans y avoir été habilitée ou encore lorsqu’une collectivité verse une subvention à une association qui ne bénéficie pas d’une réelle autonomie de gestion par rapport à la collectivité.

Associations "para-municipales" et gestion de fait

Certaines associations para-administratives constituent de véritables démembrements des organismes publics. Trois indices cumulatifs incitent à considérer qu’une association n’est pas suffisamment autonome vis à vis de la collectivité :
 les représentant de la collectivité publique sont majoritaires en nombre dans les instances dirigeantes de l’association, ou disposent en fait ou en droit d’un pouvoir prépondérant  ;
 les moyens financiers, matériels, humains de l’association sont essentiellement ceux de la personne publique ;
 l’objet de l’association est de mettre en œuvre des actions d’intérêt général qui relèvent de la compétence de la collectivité publique.

Dans le cas de ces associations paramunicipales (c’est le cas de nombreux offices municipaux des sports ou comités des fêtes par exemple), il y a deux effets possibles :
 les aides de l’association risquent fort d’être annulées par la cour des comptes
 si l’association est en réalité contrôlée de l’intérieur par la commune, c’est un problème comptable, certes, mais que les habitants de la commune percevront (parce qu’il y a jugement de l’élu et/ou du cadre territorial fautif) comme étant une affaire pénale.

Un délit pénal : la prise illégale d’intérêt

La gestion de fait peut s’accompagner d’infractions pénales, en particulier la prise illégale d’intérêts.
Ce délit (qui a succédé au délit d’ingérence de l’ancien code pénal) est caractérisé par la prise, la réception ou la conservation d’un intérêt par une personne dépositaire de l’autorité publique dans un organisme dont elle a la charge d’assurer la surveillance, l’administration ou le paiement (un responsable associatif par exemple).
La qualité d’élu entraînant "l’obligation impérieuse de veiller à la parfaite neutralité des décisions d’allocation de subventions", en se joignant au vote et à la délibération, l’élu participe à une rupture de neutralité à l’égard du secteur associatif et se rend coupable du délit. L’élu local déclaré comptable de fait est alors suspendu de ses fonctions d’ordonnateur et peut être frappé d’inéligibilité. Cet élu peut même encourir, à titre personnel, dans des cas graves, des sanctions du tribunal correctionnel pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et et 500 000 euros d’amende (Art. 432-12 du code pénal) !
Cette infraction ne doit donc pas être sous-estimée car elle peut notamment toucher des personnes de bonne foi. Même les élus qui ne tirent aucun avantage personnel de la situation peuvent être condamnés, le droit ne sanctionnant pas ceux qui profitent d’être des deux cotés de la barrière, mais le fait même d’avoir été des deux cotés de la barrière. C’est ce que rappelle la cour de cassation : "l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect [par son conjoint, ses ascendants, ses descendants... ni évidemment par lui même] pris par des élus municipaux en participants au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils président entre dans les prévisions de l’article 432-12 du Code Pénal ; qu’il n’importe que ces élus n’en aient retiré un quelconque profit et que l’intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l’intérêt communal".

Les précautions à prendre pour éviter une gestion de fait

Les collectivités publiques et les associations ont un intérêt commun à prévenir la survenance d’une gestion de fait à l’occasion de leurs relations partenariales. S’il a pu recommandé dans le passé que de s’abstenir de participer aux délibérations et aux votes de subventions, c’est désormais tout à fait impératif. Un élu ne doit en aucun cas avoir la "charge de surveillance ou d’administration" d’une association dont il a un intérêt.
Par exemple, si un adjoint aux sports préside le club de foot, le plus simple est que son maire le charge de tous les sports... sauf le foot et que cet élu sorte de la salle du conseil municipal dès que l’on par le des aides à son club.
Pour un adjoint, il est donc nécessaire d’ajuster la délégation de fonctions en fonction des mandats associatifs et d’être vigilent lors des commissions et des conseils municipaux. Pour le maire (qui par définition contrôle tout), deux options uniques : ne plus exercer de fonctions au sein de l’association ou ne plus aider l’association, c’est le gage d’un fonctionnement transparent et démocratique.

(Source Association mode d’emploi)