Le 14 février 2022, le Réseau national des maisons des associations a publié le communiqué ci-dessous sur le Contrat d’engagement républicain.
COMMUNIQUE du 14 février 2022
Contrat d’Engagement Républicain
« Chers membres du réseau,
Parmi les nombreux sujets qui occupent les associations, et par la même occasion les Maisons des Associations, en ce début d’année 2022 vous aurez sans doute remarqué l’apparition du Contrat d’Engagement Républicain, qui est désormais entré en application.
Le moins que l’on puisse dire est que ce CER est interpellant. Evidemment, le RNMA ne s’oppose en aucune façon à ce bel ensemblier institutionnel qu’est la République Française, garante de nos libertés et nos droits fondamentaux, système complexe mais néanmoins précieux dans lequel s’inscrit notre démocratie parlementaire. Nous ne nous opposons donc nullement aux valeurs de la République ni même à ce qu’il puisse exister une formalisation de l’engagement de chacun à en respecter les principes. Nous aurions d’ailleurs tendance à penser que toute la panoplie juridique nécessaire à un respect de ces engagements par chacun de nos citoyens était déjà bel et bien existante avant que ne soit mis en place ce fameux CER. Les citoyens contrevenants aux principes républicains étaient déjà soumis à un risque de sanction dans cet Etat de Droit qu’est la République Française.
Mais dès lors que nous faisons ce constat d’un panel d’outils juridiques préalablement existants, nous sommes en droit de nous interroger sur l’émergence de ce CER et du décret qui l’accompagne.
Tout d’abord, ce sont les conditions qui ont amené à sa création qui nous posent question. Sans doute n’avons-nous pas, réseaux associatifs et instances de représentation de la vie associative, été suffisamment vigilants ou mobilisés sur ce sujet durant l’année 2021 (chacun d’entre nous conviendra que les sujets de préoccupation n’ont pas manqué ces derniers mois), mais il est également important de souligner que le processus de décision n’a nullement favorisé la consultation des associations. Les délais courts et la quasi-absence de réflexion collective par le gouvernement constituent une méthode qui ne nous semble pas optimale pour aboutir à un tel texte – qui en l’état s’avère fortement perfectible.
Problème de méthode donc, mais aussi problème de forme : ce CER existe désormais et s’impose à toute structure sollicitant des financements publics. Soit. Mais quelle matérialisation concrète ? Qui est en charge du contrôle ? Quels critères d’appréciation du respect ou non des engagements inscrits dans le texte ? Quelle mise en œuvre sur les territoires ? A l’heure actuelle, les zones de flou sont nombreuses. Une lecture attentive du CER et du décret permet rapidement de concevoir que les marges d’interprétation et de mise en œuvre peuvent facilement aboutir à des inégalités territoriales dans l’application du texte. Or, pour une République Une et Indivisible, dans laquelle les citoyens sont supposément égaux en droit, il est paradoxal de voir un texte comportant autant de risques de dévoiement de ces principes fondamentaux du cadre Républicain.
La méthode et la forme sont donc à revoir, qu’en est-il du fond ? Là encore, il y a matière à se poser des questions. Alors certes, nous sommes parfaitement d’accord pour souligner la nécessité de respecter la liberté des membres, de respecter la dignité de la personne humaine, de combattre les discriminations, de lutter en faveur de l’égalité, de respecter les Lois de la République et la liberté de conscience. La question des symboles de la République est plus ambigüe, nous n’appelons pas à ne pas les respecter, évidemment, mais qu’en est-il de l’esprit critique que des associations peuvent exercer à l’égard de ces symboles et leur poids historique, passé, présent et futur ? La Marseillaise est un texte qui peut être questionné. Toute structure associative qui exercera une action d’interrogation et de déconstruction de ce symbole se trouvera-t-elle, de facto, considérée comme hors-la-loi ?
Pour continuer sur le fond, n’est-il pas étrange de voir un document ne comportant que des engagements à sens unique ? Nulle part, dans les lignes du CER ou dans son décret d’application, n’apparait la question de la réciprocité. Cela est à contrecourant d’un élan de co-construction au fondement de notre réseau, nous ne pouvons donc pas rester sans réaction.
Toujours sur la question du fond de ce texte et du décret, à qui s’adressent ces nouveaux éléments juridiques ? En cette période d’exercice électoral qui s’annonce, nous voyons émerger les propositions des différentes écuries politiques, nous constatons que l’essentiel des débats ne sera pas orienté sur les questions de justice sociale, pas plus que sur les enjeux écologiques, nous observons des "actions coups-de-poing" être mises en œuvre : dissolutions d’associations, procédures en cours ou effectives, nous mesurons le poids d’une mise au vote d’une loi concernant le port du voile dans les compétitions sportives organisées sous la tutelle fédérale. Cette convergence d’éléments peut nous amener à penser que le CER s’inscrit dans un cycle de communications et propositions électorales, ce ne serait ni la première ni la dernière fois. Mais nous ne pouvons pas accepter qu’un texte portant sur la vie associative ait des finalités électoralistes en pointant du doigt une partie de nos concitoyens. Les associations, dans leur immense majorité, oeuvrent pour une société plus solidaire, pour éviter que dans les quartiers une partie de notre communauté nationale ne soit mise au ban de cette société et soit tentée par des courants minoritaires de repli sur soi et de haine de l’autre. Ce texte ne doit pas nourrir une islamophobie déjà trop élevée dans notre pays. Si cela en est une des conséquences, nous demanderons à nos représentants, élus de la République, de le retirer au plus vite !
Voilà résumés dans les grandes lignes les échanges que nous avons pu avoir durant le temps de concertation mis en place par le RNMA. Nous mettons à disposition de nos membres une boite à outils regroupant les différents textes de lois, outils juridiques et autres documents qui jusqu’à présent, veillaient déjà à ce que le cadre Républicain soit respecté par tous, associations comprises. Nous appelons très largement les membres du Réseau à nous faire part de leurs interrogations, de leurs questionnements concernant ce texte dans l’exercice quotidien d’animation, de dynamisation et d’accompagnement de la vie associative sur les territoires.
Si nous nous sommes attardés sur les interrogations que pose ce CER et son décret d’application, nous avons aussi conscience qu’il ne changera rien ou presque pour la quasi-totalité des associations. Nous savons également que dans la plupart de nos territoires, collectivités et associations dialogueront pour que ce CER et sa mise en oeuvre n’entraînent pas de situations problématiques.
Notre Réseau est riche de structures associatives et de collectivités, nous constatons quotidiennement que pouvoirs publics et associations ont à souhait de structurer des fonctionnements satisfaisants pour l’ensemble des parties. Nous savons que les élus locaux dans leur grande majorité ne trouveront pas dans ce texte un moyen de pressurisation des associations locales.
Et, soyons optimistes, peut-être que ce CER à sens-unique sera l’occasion de redynamiser le dialogue entre pouvoirs publics et associations autour des chartes d’engagements réciproques ! »
Le Conseil d’Administration du RNMA.